Les pionniers : commission électorale, Union sacrée de l’opposition, Société civile, UDPS
Kinshasa, le 8 septembre 2021
Par Travis Vilar
Qui sont ces quatre personnes sur cette photo ?
Réponse : des pionniers.
Pionniers ?
Définition du mot : « Personne qui est la première à se lancer dans une entreprise, qui fraye le chemin. »
La RD Congo a connu en janvier 2019 une passation pacifique du pouvoir au sommet de l’Etat. Une première. Pour en arriver là, le chemin a été très long. Il y a eu des pionniers, il y a « ceux qui ont franchi la ligne d’arrivée ». Certains des pionniers sont tombés, d’autres ont été jetés dans l’oubli. Mais un rappel historique est parfois nécessaire.
Cette photo est une occasion pour ce rappel.
- Ils s’étaient connu il y a près de trente ans. Ils s’étaient perdu de vue depuis vingt-cinq ans, ils viennent de se retrouver à Kinshasa le mardi 7 septembre 2021 par un grand hasard.
- Trois des quatre avaient fait la prison pour leurs convictions, trois des quatre (pas les mêmes) avaient dû s’exiler durant près de vingt ans.
- Tous les quatre ont marqué chacun à sa manière la marche du pays. Comment ?
Le premier de gauche à droite
Il avait été le premier à proposer à la CNS, la Conférence Nationale Souveraine la mise en place d’une « commission pour l’organisation des élections », ancêtre de l’actuelle CENI, Commission Electorale Nationale Indépendante. Il s’est battu durant des années pour cela, formant des gens, participant dans le monde entier à l’observation des élections, faisant des lobbyings pour cela durant des années sans compter un combat acharné pour les Droits de l’Homme. Actuellement vice-président de la FIDH.
Son nom : Paul Nsapu.
Le deuxième.
La veille du 24 avril 1990, il était dans la JMPR, la jeunesse du mouvement populaire de la révolution le parti unique de Mobutu.
Il participera à la CNS. Mais avec la dynamique du changement qui s’était opérée dans ce grand forum, il devint rapidement membre de l’USOR, l’Union Sacrée de l’Opposition. Quel fut le rôle de l’USOR ?
Rappel.
Il y a deux ans et demi, Félix Tshisekedi est arrivé au pouvoir sans majorité au parlement, sans un seul sénateur à la chambre haute. Aujourd’hui, le Président congolais a la majorité dans les deux chambres. Par quelle magie ?
Cette magie avait déjà eu lieu dans notre pays en 1992.
Lors de la convocation de la CNS, 90% des participants étaient de pro-Mobutu. Mais le jour de l’élection du Premier Ministre, l’opposant de l’époque, Etienne Tshisekedi l’emporta avec 70% du suffrage. Par quelle magie ce phénomène eut-il lieu? Parce qu’il y eut un grand travail de mobilisation réalisé par ceux qu’on appelait « les jeunes turcs », les membres de l’USOR et la société civile.
Un des membres de sa plateforme politique fut ministre dans le gouvernement issu de la CNS et dirigé par Etienne Tshisekedi.
Il fut membre du HCR, devenu par la suite HCR/PT, de 1992 à 1997.
Il a été par la suite ministre.
Son nom : Jean-Marie Ingele Ifoto.
La troisième personne.
En 1992, la CNS, la Conférence Nationale Souveraine décida d’inviter les cent personnalités qui avaient marqué l’histoire de la RD Congo depuis l’indépendance, chacun dans son domaine. Il fut de ceux-là. Il fut invité en tant que dramaturge et metteur en scène. Pourquoi ? En 1979, il fut le seul congolais parmi les douze finalistes du concours théâtral interafricain de la Radio France, l’actuel RFI. En 1987, il obtint le Grand National de Théâtre. Lors du gouvernement Tshisekedi issu de la CNS, il fut conseiller en marketing culturel au ministère de la Culture. De 1992 à 1997, il fut membre du parlement de transition HCR, HCR/PT par la suite. En 1998, son nom était déjà repris dans le dictionnaire Universel Hachette en tant que dramaturge congolais.
Son nom : Cheik FITA
La quatrième personne.
Alors que le MPR Parti état était au sommet de sa gloire, il militait déjà dans un parti clandestin appelé UDPS. En 1992, quand Etienne Tshisekedi devint Premier Ministre, il était membre de son cabinet.
Après l’entrée de l’AFDL, le jour où Mzee Laurent Désiré Kabila prêtait serment, à la tête d’une délégation, au lieu du nouvel hymne national, il entonna la « zaïroise », alors que la cérémonie passait en direct à la Télévision. Jeté à Makala, il dut fuir le pays et s’exila durant plusieurs années.
Son nom : Jean-François Kabanda.