Tribune. Kagame, l’heure des comptes a sonné

Tribune. Kagame, l’heure des comptes a sonné

par Antoine Tshitungu Kongolo

Ecrivain Professeur à l’Université  de Lubumbashi 

 

Cela fait trente ans que l’Est de la RD Congo vit sans paix. Et à la base, le bon vouloir d’un seul homme : Paul Kagamé, le Président du Rwanda.

Durant trente ans, les aventures guerrières en RD Congo du dirigeant rwandais n’ont pas réussi à s’imposer en profondeur à l’opinion congolaise. La chute de Goma sous la botte des soldats rwandais a subitement été un véritable électrochoc, et chez le Congolais lambda, et chez les intellectuels congolais. Antoine Tshitungu, écrivain congolais ne pouvait laisser passer pareille occasion. Il propose aux lecteurs et à l’opinion la tribune ci-dessous.

La rédaction

 

Le tableau de crimes de Kagame perpétrés en République Démocratique du Congo, depuis trois décennies, défie l’imagination. Le peuple congolais en paie le prix de sang et de larmes. Et comme si cela ne suffisait pas, le tournoi sinistre a repris de plus bel avec la prise de Goma (3000 morts parmi les civils en quelques jours), suivie de Bukavu, avec l’appui du M23, une nouvelle marionnette sur la liste de supplétifs, un représentant de cette élite corrompue qui ne supporte pas d’être évincée du pouvoir et privée de ses privilèges.

Changement de paradigme

Tout à son œuvre de destruction et de conquête, Kagame n’a pas compris qu’un changement de paradigme est intervenu sur la scène médiatique, diplomatique et au sein des organisations internationales. La prise de Goma aura été la goutte qui a fait déborder le vase. Une énième expédition qui résonne comme un chant de cygne. Le Rwanda est désormais considéré pour ce qu’il est. Foin les poncifs et les clichés flatteurs ; la rhétorique de complaisance n’est plus, les lauriers tressés à la trappe ! Le Rwanda soumis à un régime prétorien, est un pays belliciste, expansionniste et maffieux. Autrement dit un pays toxique sur le flanc est de la RDC dont l’espace et les ressources naturelles prodigieuses sont convoités du côté de Kigali. En vérité, les dirigeants de Kigali sont parmi les plus corrompus du continent africain, et au-delà. Car, Kagame et sa clique militariste tirent d’énormes dividendes du commerce illégal de minerais pillés au Congo. Sur cette corruption rwandaise, le silence a prévalu, alors qu’il s’agit d’un facteur majeur alimentant un conflit interminable.

A ce jour, selon une doxa consensuelle parmi les parrains du Rwanda, la corruption serait un mal congolais tandis que le pays de mille collines en serait épargné ! Une corruption désormais établie selon des données de l’ONU ainsi que d’autres organismes attitrés, et d’autant plus incontestable que le Rwanda a exporté en grande quantité des minerais pillés en RDC.

Kagame, antithèse du pacifisme et de la démocratie

Les crimes commis en RDC, hier et aujourd’hui, à l’instigation de Paul Kagame, l’antithèse incarné d’un pacifiste et d’un démocrate, réveillent les souvenirs de pires crimes contre l’humanité qui ont jalonné le 20ème siècle, et ceux qui scandent le 21ème siècle. Les crimes de Kagame et de ses supplétifs de tous bords vont-ils demeurer impunis ? Certes la paix est prioritaire, des espaces et des mécanismes de médiation ont été mis en place, sans succès jusqu’à ce jour. Une paix au rabais n’arrangera rien sans des sanctions sévères et dissuasives contre Paul Kagame et sa clique de dirigeants corrompus. L’impunité de supplétifs serait un désastre, car ce serait cultiver les germes de conflits à venir, encore plus sanglants. Il est heureux que de nouvelles initiatives pour la paix soient proposées sans remettre en question le protocole de Luanda. Toutefois, une vigilance extrême, assortie d’une analyse rigoureuse de faits doit permettre à la RDC de tirer son épingle du jeu.

Faire chorus avec les agresseurs ?

Les victoires diplomatiques engrangées par le président Félix Antoine Tshisekedi et son gouvernement suscitent de l’espoir et sont à même de peser fortement sur les futurs pourparlers entre l’Etat agresseur et la RDC. Du coup, l’on peut s’interroger sur l’opportunité de la démarche des autorités religieuses, catholiques et protestantes. A priori, leur plan a du plomb dans l’aile du fait qu’ils ne sont pas mandatés par le Président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo. En outre, leur proposition postule, entre les lignes, une refondation de l’Etat congolais, faisant chorus avec les coupables d’agression, qui ont foulé aux pieds le droit international. En sus, les religieux congolais n’ont pas condamné explicitement les crimes perpétrés à Goma, sans parler de leurs propos complaisants et lénifiants sur Corneille Nangaa. Qui plus est, laisser entendre que la RDC, agressée et occupée sur son flanc est, aurait l’obligation de partager ses richesses minières avec le Rwanda pour avoir la paix résonne comme une capitulation. L’opinion congolaise n’est pas prête à entériner le fait accompli, à savoir accepter une forme de colonisation, fût-elle de visage africain. La RDC est-elle prête à se plier à la tutelle du Rwanda ? Telle est la question ? Il est légitime d’en douter, pour peu qu’on se donne la peine de tirer des leçons du passé : jadis et naguère. La paix avec le Rwanda ne serait qu’une triste pantalonnade si Kagame ne renonce pas à son fantasme expansionniste, à sa lubie de vassalisation de la RDC, s’il ne retire pas ses troupes du territoire congolais, s’il ne se conforme pas aux règles intangibles du droit international, s’il ne respecte pas à la lettre la charte africaine qui proclame l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Sans sanctions contre les coupables, il n’y aura pas de paix. Mais si Kagame persiste et signe, ce sera le chant de cygne de son régime toxique, caractérisée par une agressivité aux relents de nazisme.

 

Dernier ouvrage paru d’Antoine Tshitungu

 De la bibliothèque coloniale à la bibliothèque africaine. Plaidoyer pour une rupture épistémique, Generis Publishing, 2024.

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