Les poux, les cheveux, le feu de paille et le feu de bois
Par Cheik FITA
Bruxelles, le 18 avril 2021
Quand nous étions enfants, durant la saison sèche, le soir dès que le soleil se couchait et que la nuit tombait, nous nous retrouvions rapidement autour d’un feu de bois.
Mais comme les aînés devaient nécessairement être le plus près du feu, mal lotis, nous les petits allions ériger un gros monticule avec des feuilles mortes et des pailles. Ensuite, l’un des nous se glissait malignement entre les jambes des aînés, allumait une brindille, recevant parfois au passage un petit coup sur la tête, revenait avec une flamme qui embrasait rapidement notre monticule de feuillages.
Très rapidement, une grosse flamme s’élevait et nous sautions de joie. Nous pouvions ainsi nous chauffer sans être repoussés derrière par un aîné.
Mais notre joie était de courte durée car, les feuillages et la paille étaient très vite consumés.
Le froid étant, malgré nous, nous étions obligés de rentrer vers les aînés où le feu de bois tenait bon, et un feu autour duquel de très belles histoires se racontaient. Il en était ainsi plusieurs soirs.
Quand nous étions enfants, dans nos cités minières et dans nos villages, il arrivait qu’on nous coupe les cheveux. Cela se passait souvent les samedis après-midi.
Si en coupant les cheveux le papa constatait qu’il y avait des poux, il était presque certain que les cheveux seraient rasés. D’abord parce que les papas étaient très sévères en tout et moindre écart, la sanction était rude. Des poux dans les cheveux de mon enfant ? Ensuite pour le papa, nous couper les cheveux, (oui, ce n’était pas véritablement coiffer !) semblait une perte de temps. Mais l’objectif de la séance de coiffure, ne consistait pas à chercher les poux.
La séance de coiffure chez les filles était différente. Surtout celles qui avaient déjà un début de boursoufflure sur la poitrine et qui affichaient déjà un brin de coquetterie féminine. Les mamans où les aînées tressaient patiemment les cheveux. Avant le début du tressage proprement dit, les tresseuses brossaient les cheveux, puis traçaient des lignes pour séparer les touffes de cheveux. C’est en traçant ces lignes et en tressant les cheveux que de temps à autre, elles apercevaient un pou ci et là et les écrasaient patiemment sur leurs ongles, sans en faire véritablement une histoire.
Ce mode de vie forgeait en même temps le comportement et la nature des relations entre les membres d’une même communauté. Oui, nous étions une même communauté car, nous avions tous les mêmes sources d’eau, nous participions tous aux différentes fêtes populaires où des danseurs masqués et habillés en tenues traditionnelles nous amusaient et nous faisaient peur en même temps, au son du tam-tam et des chants harmonieux et presque magiques, qui résonnaient jusque très loin. Nous nous connaissions tous, et tout événement bon ou mauvais qui arrivait dans la communauté affectait chacun des membres de la communauté.
Il en était ainsi dans tous les villages environnants, dans toutes les cités d’ouvriers où nous habitâmes au gré de mutations de nos parents.
Et aujourd’hui, où sont partis les poux des cheveux ? Où sont partis les feux de bois durant les saisons sèches ?
Les réseaux sociaux et autres médias en ligne ont repris en partie ce rôle. Et quand on observe le microcosme congolais du Web, gare à celui qui trimballe un pou dans les cheveux. Si l’on te trouve un pou dans les cheveux, très vite tout le monde saura que tu as des poux dans ta tignasse. Pire, dans l’opinion, tu seras celui qui n’a que des poux. Et à la longue, ce sera comme si tout le monde n’a que des poux, car les poux sautillent allègrement d’une tête à l’autre dans une communauté.
Et le combat contre le froid durant la saison sèche ?
La recherche de l’information est inhérente à l’être humain, à l’image de la recherche de la chaleur quand il y a le froid. Feu de bois ou feu de paille ? Et dans le microcosme congolais du Net, il suffit que quelqu’un mette le feu à son monticule de feuilles mortes, et tout le monde s’y précipite pour aller « se chauffer ». Tout le monde ? Non, une ruée comme quand nous étions enfants, et dans le langage d’aujourd’hui cela s’appelle « buzz ». Et peu de temps après, comme pour la flamme, cela s’éteint, et très peu de gens auront réussi à se chauffer ne serait-ce que le bout des doigts.
Et les yeux pétillant d’impatience, comme ceux des enfants que nous étions, seront toujours à l’affût d’une autre grosse flamme pour s’y précipiter…
Pourtant, comme pour la poignée des aînés qui étaient assis autour d’un feu de bois, il y a bien quelque part des « aînés » autour de ce qui s’apparenterait à un véritable feu de bois, et là, ce ne sont pas des feuilles mortes ni de la paille qui sont utilisées, mais de véritables bûches de bois.
Le lendemain et d’autres jours encore, ils reviendront autour de ce feu qu’ils entretiennent régulièrement, insensibles à l’effet « feu de paille ».
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